Le Tribunal de RENNES a tranché : relaxe du prévenu après avoir été verbalisé 4 fois sans motif dérogatoire valide.
Pour mémoire, une loi en date du 17 mars 2020 est venue instaurer une nouvelle contravention de 4e classe pour non-respect des règles de confinement, punie d’une amende à hauteur de 38 euros puis modifiée à plusieurs reprises pour amener l’amende à hauteur de 135 euros (voire à 375 euros).
Une aggravation est prévue portant l’infraction au rang de contravention de 5e classe, punie d’une amende de 1 500 euros en cas de nouvelle violation dans un délai de 15 jours à compter de la première infraction. Ainsi, le risque pénal est très important.
En cas de verbalisation à plus de trois reprises dans un délai de 30 jours il est prévu que la contravention devienne un délit puni de 6 mois d’emprisonnement et de 3 500 euros d’amende.
En l’espèce, un homme avait fait l’objet de 5 contrôles pour absence de motif dérogatoire valable. Ce dernier a été placé en garde à vue puis jugé en comparution immédiate.
Son avocat a soulevé une nullité de procédure, son client a été relaxé par le Tribunal. Le Parquet a décidé de faire appel de la décision.
- Fichier ADOC servant de base aux faits reprochés en l’espèce :
Lors de l’audience l’avocat invoquait l’illégalité de la procédure estimant que les contraventions recensées dans le fichier de police ADOC crée en 2014, étaient dépourvues de régularité.
En effet, ce fichier servant de base à la matérialité des faits reprochés n’est pas un fichier prévu pour cette infraction.
- L’absence de délai de contestation de 45 jours de chaque contravention :
L’individu invoquait également le délai de contestation des contraventions, non purgé en l’espèce.
Pour rappel, tout individu verbalisé dispose d’un délai de 45 jours pour contester. Ainsi tant que ces quatre infractions en l’espèce ne sont pas confirmées par un tribunal de police, l’individu est considéré comme ne les ayant pas commises.
Une infraction ne trouve à s’appliquer que lorsque les délais de contestations sont purgés ou lorsque la décision d’un tribunal (suite à une contestation devant le juge) est devenue définitive, c’est un des principes essentiels de notre droit.
Pourtant en l’espèce, l’individu n’avait pas purgé ces délais. Ainsi, aucune décision n’était définitive.
Or le principe de présomption d’innocence doit s’appliquer, même en période de crise sanitaire.
De plus, il est important de rappeler que l’Ordonnance du 25 mars 2020 a prévu un doublement des délais en cas notamment de contestation d’une contravention entre le 23 mars 2020 et jusqu’à un délai d’un mois, après la fin de la cessation d’urgence.
Ainsi, le délai de contestation de 45 jours est actuellement rapporté à 90 jours pour les amendes, voire 60 jours en cas d’amende majorée.
- Respect du principe « non bis in idem » :
En droit français un principe essentiel est posé par l’adage non bis in idem.
Cela signifie qu’il est interdit de sanctionner plusieurs fois un individu pour les mêmes faits.
Or en l’espèce le prévenu avait déjà été verbalisé à 4 reprises et se trouvait en comparution immédiate parce qu’il avait été verbalisé à 4 reprises.
Ainsi, les premières contraventions (qui ont fait l’objet d’une sanction chacune) permettraient en plus de justifier la matérialité de la nouvelle infraction (délit de violation des règles de confinement) pour lequel le prévenu comparaissait.
Pour toutes ces raisons, le tribunal correctionnel de Rennes a prononcé la relaxe du prévenu qui risquait d’être placé en détention à la suite de son jugement.
Vous l’aurez compris, ce nouveau délit crée dans l’urgence, pose de nombreuses questions quant à son caractère légal.
Cette infraction a d’ailleurs fait l’objet d’une QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) devant la Cour de cassation qui devrait se prononcer dans les prochains jours.
Cette nouvelle infraction va vraisemblablement être l’objet de nombreuses contestations devant le juge.
Affaire à suivre,