Sanction par l’employeur de deux salariés pour des faits relevant de la vie privée ou comment les réseaux sociaux peuvent mettre à mal le droit du travail ?
Des vidéos mises en ligne sur les réseaux sociaux ont déclenché la polémique en ce début d’année 2020.
Deux jeunes au cours d’une soirée privées se sont filmés : l’un déguisé en gorille et l’autre avec une « blackface » criant « Viva Africa ».
A la suite de la publication reprise par de nombreuses Associations, l’identité des deux jeunes a été révélée ainsi que celle de leur employeur : « Le Slip Français ». Certains internautes choqués sont allez jusqu’à réclamer leur licenciement alors que les faits se déroulaient dans la sphère privée.
Face à la polémique, l’entreprise a fait le choix de communiquer rapidement (voire trop) sur les réseaux sociaux en mentionnant que les deux salariés étaient « mis à pied à titre conservatoire » (mesure en vue d’un licenciement disciplinaire).
Or ces actes relèvent de la sphère privée et non de la sphère professionnelle. L’article L.1121-1 du Code du travail dispose que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché« .
La jurisprudence est claire sur ce point les salariés ne peuvent pas être licenciés pour des faits relevant de la vie privée, à moins que ces faits n’occasionnent un trouble caractérisé et objectif au sein de l’entreprise.
Or l’entreprise a déclenché une procédure disciplinaire, ce qui est en contradiction avec la jurisprudence et le droit applicable.
Ainsi, il semble que face à la pression de l’opinion publique l’employeur ait agi précipitemment en préférant prendre le risque d’un litige devant le Conseil des prud’hommes par ces deux salariés plutôt que de mettre à mal son image de marque…
Le risque financier pris par l’entreprise est en réalité limité puisque les Ordonnances Macron ont créées des plafonds d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. A contrario, le risque d’une perte de leur chiffre d’affaires face à cette polémique est loin d’être quantifiable.
L’employeur a donc fait le choix de sanctionner les salariés au mépris du respect de leur droit à la vie privée, afin d’éteindre toute polémique.
Pourtant ces deux jeunes salariés qui sont avant tout des justiciables, pouvaient être sanctionnés différement : le droit pénal était largement compétent. Les Associations avaient tout le loisir de porter plainte pour injure raciale par exemple.
Il convient de rappeler que chaque salarié a droit au sein de sa vie privée d’avoir une opinion politique, syndicale etc peu important que cette opinion soit moralement ou non répréhensible. Le droit pénal étant compétent pour sanctionner toute infraction.